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L'IVG dans la Constitution... j'ai honte !

Disons-le d’emblée : lors du vote à Versailles de lundi dernier 4 mars, le courage n’a pas été du coté de ceux qui ont dit oui (780 votants), mais de ceux qui ont dit non (72 votants), car l’opinion était acquise à la réalité ‘transparente’ de l’embryon, au fait qu’il n’est rien, et donc qu’on n’en parle même pas dans les débats. On peut le supprimer, car il n’est pas une personne juridiquement parlant. Il n’est donc rien, philosophiquement parlant, pour 90 % des français.

 

Depuis des décennies, l’école a bien fait son travail de sape dans les cours de biologie : nier l’identité de l’embryon comme être humain. Et voici le jour où l’on inscrit dans le fondement de la loi de la République qu’il faut ‘sanctuariser’ le droit des femmes à l’interruption de grossesse, c’est-à-dire à nier ce qu’elles portent en elle : un enfant à naître .

Seule l’Église catholique, comme institution, s’est opposé à cette inscription. Le courage est aussi de

son coté !

 

Le prêtre que je suis réagit ainsi à partir de deux types d’expériences :

  • L’écoute de femmes ayant fait des IVG. Elles viennent penaudes parler de cet acte qu’elles ne voulaient pas, mais qu’elles ont fait dans la détresse ou sous la pression des conjoints (quels hommes !) ou des familles : ‘tu ne vas pas garder ça ! ’. Elles viennent en parler, car elles savent bien que ce qu’elles portaient en elles était un enfant à naître et non une simple kyste à éliminer ! Pour celles qui viennent nous voir (certains 20 ans après l’acte), l’avortement n’est pas une libération, mais une prison intérieure fermant l’âme dans une longue culpabilité. Les mots qu’elles égrènent, sont : j’ai ‘supprimé’, ‘tué’ un enfant ! Les mots de la vie parlent forts ! Vais-je les contester et dire ‘ce n’est pas grave ! ‘ ? Je serais dans le mensonge. Mais, dira-t-on, c’est l’Église qui les culpabilise en inscrivant dans notre raison sa définition de l’embryon comme être humain. Ici, la douleur des femmes ayant avorté ne parle-t-elle pas d’elle-même ? Mais cette douleur est tue, la plupart du temps, ou niée… Combien de personnes n’ont jamais pu en parler à leur entourage (‘arrête de te plaindre’) et ont refoulé cela pour ne plus y penser… Mais un jour, dans un retour du refoulé, des choses remontent, des prises de conscience se font et on désespère. Notre société refoule dans l’inconscient les pratiques abortives en refusant d’en saisir la dimension mortifère et laissant les femmes seules dans leur malheur. Et l’IVG serait une victoire des femmes ? Heureux ceux et celles qui les écoutent et les aident soit à « trouver une autre solution », soit à surmonter le malheur de l’avoir fait.
  •  Une autre expérience est le travail de réflexion fait dans l’Église catholique : l’avortement est interdit parce que l’embryon est un être humain… Nous avons été embryon, chacun de nous… N’étions-nous rien à 15 jours, 1 mois, 2 mois, 3 mois, ou 9 mois moins 1 jour ? Si nous sommes juridiquement et humainement une personne à la naissance, en remontant dans le temps (dans le ventre de notre mère), il n’y a pas de rupture, mais une continuité entre la conception et la naissance… Nous avons commencé par être ‘corps’. C’est un être humain depuis le départ : « Un embryon représente le commencement d’une vie dont l’épanouissement, s’il n’est pas entravé, se traduira par la naissance d’un enfant. Il n’est pas d’existence humaine qui n’ait commencé ainsi. Dès lors, tout embryon humain appartient à l’humanité, à l’ensemble des êtres humains qui la constituent. » (Evêques de France,2000). 

Ces deux types d’expérience (d’écoute et de réflexion) m’ont appris à ne pas me réjouir des ouvertures de la loi à l’avortement : Passer de 12 semaines à 14 semaines puis à 16 semaines, enlever la clause de détresse, etc… et maintenant inscrire dans la Constitution française le ‘droit’ à l’IVG. On oublie le droit de l’embryon à être respecté : « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » (article 16 du code civil), l’avortement restant une exception à cette loi.

C’est que disait Simone Veil dans son discours à l’Assemblée en 1975 : « Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu'il perde ce caractère d'exception, sans que la société paraisse l'encourager » Combat de deux droits ou plutôt oubli du droit de l’être humain qu’est l’embryon ? 

 

Tout cela est atterrant : le fondement de la loi française contient maintenant dans son cadre structurant de République le ‘droit de tuer’, alors qu’a été supprimée la peine de mort en 1981. « Fierté française, message universel », s’est félicité, sur X, le chef de l’État, Emmanuel Macron. J’avoue mon écœurement en voyant la liesse du Parlement après le vote ! Certes nous sommes en démocratie : c’est la loi du plus grand nombre qui prévaut… mais on a le droit de dire son désaccord en conscience ! Le 29 février dernier, les évêques de France exprimaient déjà leur « tristesse » face au vote du Sénat et elle complétait : « Alors que sont mises à la lumière les violences nombreuses faites aux femmes et aux enfants, la Constitution de notre pays se serait honorée d’inscrire en son cœur la protection des femmes et des enfants ».

 

Protection de l’enfant à naître aujourd’hui ; demain protection du vieillard qui souhaite mourir  Rendez-vous dans deux mois pour une autre ‘mise en mort’ permise par la dépénalisation de l’euthanasie. Tout cela au nom de la liberté ! qui en fait les frais ? Les êtres fragiles que sont l’embryon et la personne en fin de vie plus ou moins stimulée à le faire par la société. La France va mal. Qui s’en soucie ?

 

Père Jean-Michel Moysan, prêtre, diocése de Quimper, formateur en éthique chrétienne, curé de

Morlaix